Un jour comme les autres

Je ne veux pas, je ne peux pas oublier même rien que quelques jours ceux à qui on interdit d’exercer leur métier ou ceux qu’on prive de soins parce qu’ils ne sont pas vaccinés.

La tentation est forte, et je le comprends, pour les parias que nous sommes, de courir dès ce matin au musée, d’être, à l’heure du déjeuner, le premier client de notre restaurant préféré, d’aller ce soir au théâtre ou au cinéma ou de prendre le train ce week-end.
Je ne veux pas jouer le pur, le saint et faire la leçon à quiconque moi qui, un soir un peu arrosé, ai utilisé cet horrible pass que j’avais eu en décembre suite à un test positif. (Mais, pourquoi suis-je donc allé me faire tester ?) Je ne veux pas rentrer dans la manipulation covidiste qui pousse à transformer cette crise en guerre de religion. Et ainsi pour me défendre de mon écart, je n’invoquerai pas les paroles du Christ : « Que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre ».
Pourtant, on nous désigne bien comme des hérétiques, comme des schismatiques. Pourtant, j’ai moi-même plus que des réticences à aller m’asseoir à côté de ceux qui, pour la plupart, ont dès le 9 août 2021 accepté de montrer patte blanche, avec le sourire, d’une manière si « naturelle » qu’on pouvait croire à les voir agir ainsi qu’il s’agissait d’une coutume ancestrale.
Aucune institution, aucune profession n’a résisté dans son ensemble ; les libraires sont même allés quémander leur statut de « commerce essentiel » pendant le confinement, comme les chiens du Prince viennent lécher les mains pleines de gras de leur maître repu. Cependant, certaines personnes, quelques cafetiers ou restaurateurs, quelques femmes ou hommes du monde des lettres et de la culture se sont montrés dignes. Et que dire de tous les « soignants » qui ont bravé le diktat et qui vivent sans ressources depuis de nombreux mois ! Ceux-ci demeurent toujours ostracisés ! Le pass vaccinal est toujours en rigueur dans les hôpitaux. Ceux qu’on applaudissait en mars 2020 sont toujours cloué au pilori ce 14 mars 2022.
Ma résistance n’a rien d’héroïque, loin de là : je travaille chez moi depuis plus de vingt ans, j’aime le restaurant mais j’aime encore plus cuisiner, le théâtre ? Oh ! Oui ! Le spectacle vivant, il n’y a rien de meilleur. Mais, tant pis pour lui s’il accepte de se passer de spectateurs de ma qualité !* Si j’ai « tenu » jusque-là, c’est à cause, grâce à ces gens qui sont allés jusqu’au bout de leur conviction, c’est parce qu’aussi, à l’heure du dogme de la « distanciation sociale », j’ai pu – moi l’animal peu « sociable » – rencontrer et même mettre en liens un grand nombre de personnes (merveilleuses) que je n’aurais certainement pas eu la chance de connaître sans cette folie.
Je ne veux pas avoir l’air d’être en communion avec ce nouveau monde, je ne veux pas, je ne peux pas oublier même rien que quelques jours ceux à qui on interdit d’exercer leur métier ou ceux qu’on prive de soins parce qu’ils ne sont pas vaccinés. Je vais même jusqu’à me demander si ce n’est pas l’occasion pour le pouvoir de reléguer ces personnes encore plus loin au ban de la société, de les isoler encore plus pour qu’enfin elles cèdent.
Il ne faut jamais dire « jamais ». Alors, je ne dirai pas que jamais plus je n’irai au cinéma ou dans n’importe quel lieu qui a appliqué avec plus ou moins de zèle le pass de la honte, oubliant parfois jusqu’à ses principes déclarés (voyez par exemple la charte des bibliothèques). J’irai là où je sais qu’on ne demandait pas de pass, nulle part ailleurs. Je vais observer un moratoire. Car j’attends de voir le moment – et il viendra, soyez-en sûr – où les mesures discriminatoires seront à nouveau imposées, j’attends de voir quelle sera alors la réaction de toutes les institutions et professions qui seront touchées par ces mesures.
Je crois aussi et surtout que c’est l’occasion, dès aujourd’hui, de recentrer notre combat pour la réintégration des personnels soignants suspendus ou licenciés, pour l’ouverture des lieux de soins à tous, pour l’arrêt de la vaccination des enfants.

Philippe Menestret

* Mais, il y a des théâtres qui résistent. Nous y sommes allés…

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