Bleu, blanc, rouge… et jaune !

Pour l’honneur des GJ est un pamphlet signé par Yannick Jaffré paru en 2023. L’auteur y analyse les ressorts du mouvement originel, à travers sa composition sociologique et ses revendications, mais aussi les crispations du bloc bourgeois qu’il occasionna, et in fine l’absence de débouché politique, comme principale limite de l’insurrection. Toutes choses qui ne sont pas sans rapport avec la situation présente. Précisons également que l’auteur adopte un parti-pris idéologique discutable.

Pour l’honneur des Gilets jaunes

4e de couverture :
Baroud d’honneur ou répétition générale ? Dernier feu français désormais éteint ou tocsin d’un grand ressaisissement ? Impossible, quoi qu’il en soit, de réduire les Gilets jaunes à un épisode critique vite surmonté. Ce serait oublier la violence de sa magnitude. Méprisés autant que craints par leurs ennemis naturels, les Gilets jaunes ont dérouté jusqu’à certains de leurs soutiens patriotes. Ce livre coup de poing rétablit ce soulèvement dans son rang historique. Mesurant la grandeur sociale, politique et nationale de ce mouvement, la nature de ses ennemis – macronisme, « boomerocratie », gauchisme – mais aussi ses propres failles internes, Yannick Jaffré lui rend un hommage philosophique soutenu par un style nerveux.

Pour l’honneur des Gilets jaunes s’ouvre sur l’opposition entre deux personnages emblématiques du mouvement qui a secoué la vie sociale et politique française dans les derniers mois de l’année 2018 et au début de 2019 : « Dettinger, beau boxer, vs Lallement, vil préfet » ! A l’admirable manifestant redresseur de torts fait face le préfet de police, « avec sa moue d’ancien puceau de lycée qui se venge », incarnation aux yeux de Jaffré de « la lie de l’humanité ». L’auteur n’omet pas de rappeler le mépris de classe de Macron comme l’ordurerie de Griveaux qui osa traiter l’habile pugiliste de « lâche ». En six pages enlevées, Jaffré restaure l’honneur du boxeur gitan, et, en réglant proprement les comptes, nous appâte.

Et là, sans crier gare, l’auteur revêt le casque gaulois qui orne la couverture (et auquel je n’avais pas d’emblée prêté attention en choisissant ce livre) et prévient : son bouquin, il ne l’adresse qu’à ceux qui auront perçu ce que l’épisode des GJ comportait de « sévèrement français ». « Nationaliste », Jaffré exalte dans le mouvement, auquel il prit part, « ses drapeaux bleu, blanc, rouge, sa gauloiserie générale et sa composition française de souche ».  Soit, suivons-le sur ce chemin. Les Gilets, réaction à des décennies d’injonctions progressistes (symbolisées par « l’esprit Canal ») et de ringardisation du populaire ? Oui, sans doute. Expression d’un patriotisme malmené par le grand dessein des euro-mondialistes ? Certainement. Incarnation d’un esprit bien français, inventif, rigolard (« Jo le taxé » !), frondeur ? Absolument !

Mais ce drapeau tricolore brandi en signe de légitime défense face à l’exploitation oligarchique, et d’affirmation fière et souveraine, est-il aussi l’étendard des « petits blancs » contre ce que l’auteur nomme la « racaille » ? Et le mouvement dans son essence une protestation contre les aides sociales trop généreusement consenties aux allogènes, et contre le laxisme judiciaire à l’endroit des mêmes ? C’est, selon moi, aller bien vite en besogne.

Car l’auteur, peut-être pour ne pas affaiblir sa thèse, ne s’appesantit pas sur la fronde contre les prélèvements de toute nature, et sur l’aspiration immense, première, à davantage de justice sociale. Le slogan magnifique : « Pour l’honneur des travailleurs, et pour un monde meilleur » évoque tout de même plus le Conseil national de la résistance que le Rassemblement dit national, dont il resterait à déterminer s’il résiste lui, et à quoi et pour qui exactement.

En dehors de son propos central, les constats et les analyses posés dans ce court texte ne manquent pas de pertinence, sans être franchement originaux (procès des boomers, des artistes, du « maintien de l’ordre », de l’écologisme, etc.). Jaffré estime par exemple que les GJ ont in fine échoué car ils suivaient deux pentes incompatibles, l’une révolutionnaire (constituante) et l’autre légitimiste, faisant le simple (simpliste ?) reproche aux institutions dites républicaines d’avoir perdu de vue les intérêts du peuple. Et aussi car ils n’ont bénéficié d’aucun « relais bourgeois » pour pénétrer les sphères de décision. Jaffré livre enfin une intéressante analyse sur la postérité du mouvement.

Saisissant le sujet de ce livre, je laisserai moi-même quelques lignes en « l’honneur des Gilets jaunes ». Ceux qui, lassés qu’on leur fasse les poches, protestaient contre le racket étatique, osèrent se retrouver dans la vraie vie, s’assembler et manifester hors des itinéraires impartis, et, le comble, revendiquer une démocratie véritable ! Rien là de criminel, mais c’était pourtant absolument insupportable pour les néo-libéraux au pouvoir. Que 70% des Français soutiennent ces revendications n’y changea rien, bien au contraire peut-être ! Que ces pantins eurent la frousse qu’on leur coupe les fils ne fit que renforcer leur hargne, hein Griveaux !

Le macronisme déclara donc la guerre à ce peuple rebelle (sans déclaration officielle, celle-ci n’intervenant que plus tard, le 16 mars 2020 : « Nous sommes en guerre ») ! Il lança la machine médiatique aux ordres, arma ses forces du désordre et encouragea leur violence, mobilisa sa justice et laissa libre cours aux casseurs pour achever le mouvement. Fit en sorte de rameuter autour de lui, contre ce peuple indocile, la bourgeoisie et ces boomers, qui sont, toute honte bue, les authentiques fossoyeurs du pays.

Les Gilets jaunes, lucides et courageuses vigies, qui brandirent bien haut l’étendard de la résistance et de la démocratie, méritent bien tous les honneurs !

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