800 tonnes de rejets annuels toxiques et cancérigènes
Le 23 mars 2024, une nouvelle manifestation s’est déroulée à Soissons (Aisne) contre l’implantation, dans la périphérie de cette agglomération de 50 000 habitants, d’une usine de la multinationale danoise Rockwool, spécialisée dans la fabrication de laine de roche. Collectifs de citoyens, professionnels de santé et habitants étaient une fois encore mobilisés pour dénoncer le caractère extrêmement polluant du projet, et ses nuisances plus particulières sur la santé. Les opposants s’alarment des 800 tonnes de rejets annuels toxiques et cancérigènes (phénols, formaldéhydes, ammoniac,…). La présence de perturbateurs endocriniens nuirait plus particulièrement aux femmes enceintes, aux enfants en bas âge et aux adolescents, dont la santé a déjà été bien malmenée par ailleurs…
Les propos recueillis auprès de quelques participants témoignent de leur détermination intacte mais aussi de leur incompréhension de n’être pas entendus et de leur colère. Une grand-mère pense à son petit-fils de 5 ans quand le docteur Maryse Vasseur, porte-voix des soignants engagés contre le projet, explique le caractère délétère des émissions d’une telle usine. La mère de deux adolescentes explique qu’ils quitteront la région si l’usine s’y installe et déplore l’obstination (intéressée?) des élus soutenant le projet : « on est dans le train, on sait qu’il va dérailler mais on y va quand même ». Un jeune père de famille ajoute : « parmi tous les aspects néfastes de ce projet, je crois que ce qui me choque le plus c’est que le commissaire enquêteur a émis un avis défavorable, ce qui est rare, et ce projet nous est imposé malgré tout ».
L’enquête publique avait en effet établi la nocivité du projet et débouché sur un avis négatif au nom du principe de précaution. L’énorme consommation d’énergie et d’eau (jusqu’à 20 m3 par heure) est aussi pointée par les défenseurs de l’environnement.
Le projet est gavé d’argent public…
L’industriel, les décideurs locaux et les services de l’Etat n’en ont eu cure. Bien au contraire, le projet est gavé d’argent public… C’est qu’il sera pourvoyeur d’emplois, insistent-ils, dans une région sinistrée sur ce plan (mais les opposants objectent avec raison que le ratio des emplois par hectare est dérisoire, et que les solutions d’isolation alternatives et locales permettraient de développer une filière bien plus intéressante !).
Du côté de la firme danoise, on use pour « vendre » le projet, des grosses ficelles du green-washing et de la communication la plus éhontée. Rockwool met en avant les « technologies les plus performantes », un modèle de l’usine du futur, le souci d’améliorer la santé et le bien-être de tous (sic), ainsi que les belles valeurs de l’entreprise, « éthique, intégrité, responsabilité » (re-sic). « La responsabilité environnementale est une de nos principales valeurs et nous agissons en continu pour réduire l’impact de nos activités », voilà qui est dit sans vergogne, et des gogos y croiront sans doute, hélas.
Le maire de la commune de Courmelles, où doit être édifiée l’usine, est l’un des hérauts de ce combat du pot de terre contre le pot de fer. Sans relâche, Arnaud Svreck, un agriculteur sans étiquette politique, se démène juridiquement et médiatiquement pour faire capoter ce qu’il estime être une hérésie, lui l’enfant du pays, dont le fils s’est aussi installé sur cette terre. Un référendum local (déclaré illégal et sans valeur, cela va sans dire) a montré le soutien massif que lui apportent ses administrés. Arnaud Svreck est l’auteur avec le journaliste David Breger d’un livre remarqué, Le Village contre la multinationale, paru au Seuil en 2022. Présent en première ligne comme toujours, il a tenu, ce samedi après-midi, un discours combatif et constructif. Il a notamment appelé à une réindustrialisation intelligente du bassin d’emplois.
Afin de soutenir la commune lors des prochaines échéances judiciaires, il a aussi lancé un appel aux dons.
Clara L.