Je suis une citoyenne obéissante

Savez-vous combien de morts la grippe fait chaque année ?! Il n’y a pas de quoi en faire un plat de ce covid ! Puis je me suis fait doucement, mais sûrement, rattraper par la peur… A coup de matraquage médiatique. J’ai fait mon mea culpa. Apparemment, ce virus avait l’air bien plus sévère que la grippe habituelle…

Nous haussions les épaules…

Début 2020, cela faisait déjà quelques années que je n’écoutais quasiment plus les informations. Même les quelques minutes d’info express des radios musicales avaient le don de m’exaspérer. Mais mon mari mettait régulièrement la télé en rentrant le soir, et affairée à préparer le repas familial dans une cuisine ouverte sur le salon-salle à manger, je ne pouvais échapper à la litanie des mauvaises nouvelles. Mais, lui pompier volontaire, moi sensible aux sujets liés à la santé, nous haussions les épaules… Je le disais d’ailleurs à mes collègues de bureau : « Mais savez-vous combien de morts la grippe fait chaque année ?! Il n’y a pas de quoi en faire un plat de ce covid ! ». On nous avait déjà fait le coup avec le H1N1, et cela n’avait pas été la catastrophe annoncée, loin de là.

Puis je me suis fait doucement, mais sûrement, rattraper par la peur… A coup de matraquage médiatique. J’ai fait mon mea culpa auprès de mes collègues. Apparemment, ce virus avait l’air bien plus sévère que la grippe habituelle…

Parce que le 12 mars, Macron avait décrété la fermeture des écoles, nous avions emmené notre fille le samedi 14 chez ses grands-parents en Lozère, ou plus exactement, nous nous étions retrouvés avec eux à mi-chemin dans le Cher, car la Lozère, c’est loin de l’Ile-de-France pour un aller-retour sur le week-end !

Sidération, exécration, malaise, incrédulité, peur

Le lundi 16, le retour au travail allait nous réserver une sacrée surprise. Dans l’après-midi, la Directrice des Ressources Humaines fait le tour du centre administratif (je travaille dans une commune) : le maire, bien renseigné, sait que le président annoncera très probablement le soir même un confinement pour le lendemain et il nous est demandé de préparer nos affaires, dossiers et, bien sûr, ordinateurs portables, et de rentrer chez nous sans attendre. A la faveur d’un déménagement de site quelques mois plus tôt, nous étions tous équipés d’ordinateurs portables reliés au réseau de la Ville par VPN. Le nec plus ultra pour du télétravail !
Le soir, avec mon mari, nous écoutons le discours présidentiel. Je me souviens d’un mélange incroyable de sentiments et d’émotions : sidération, exécration (je ne supportais déjà plus ce sale type, tout président fut-il…), malaise (la répétition du mot guerre y était sans doute pour quelque chose), incrédulité, peur. A ce moment-là, c’était un peu la peur d’attraper cette très mauvaise grippe, mais surtout la peur vertigineuse de l’inconnu. 

Discussion de crise. Mari fonctionnaire territorial et pompier : beaucoup d’heures de travail et de garde à la caserne, contacts avec un maximum de personnes, malades la plupart du temps, donc risque maximum de ramener le virus à la maison. Laisser notre fille de huit ans pendant plusieurs semaines (on savait déjà que les quinze jours initiaux seraient prolongés) chez ses grands-parents : impensable. La Lozère, département le moins peuplé de France, parait un lieu idéal pour se confiner.
Conciliabule téléphonique de mon mari avec ses parents : ils n’ont pas une excellente santé et ont peur que la francilienne ramène avec elle le virus mortel… Il argumente. C’est bon, je pars.
Le lendemain, je charge la voiture familiale avec tout le nécessaire pour affronter ce confinement : vêtements un peu plus légers pour ma fille (le printemps va arriver…), les miens, quelques livres, l’indispensable ordinateur, quelques jeux de société et, idée de génie, la caisse de Légo. Je n’aurais jamais imaginé concevoir autant de « mondes » différents avec des pièces aussi spécialisées !

Je fais les 560 kilomètres qui me séparent de notre fille en un temps record, en m’arrêtant le strict minimum, survoltée. A mes côtés, le tas de vêtements pour me changer intégralement à côté de la machine à laver, dès mon arrivée…

Et commencent alors les pires semaines de ma vie

Et commencent alors les pires semaines de ma vie. Ma fille ne veut pas apprendre avec moi. Ses grands-parents, ancienne génération, croient que jouer avec les chiens et faire un tour de balançoire vont suffire à l’occuper toute une journée. J’interromps donc régulièrement mon travail pour jouer et bricoler avec elle. Du coup, je me mets à travailler en soirée et à la faveur d’insomnies récurrentes, parfois la nuit. Je suis complètement décalée. Il n’y a plus de jours, plus de nuits, plus de week-ends. Mon chef est inexistant et, en tant que plus ancienne du service, je maintiens le lien entre les membres de l’équipe et commence à anticiper la reprise en distribuant les tâches. Les tensions avec mes beaux-parents et ma belle-sœur, hébergée chez eux pour être plus près de la maison de retraite où elle travaille, augmentent. Il y a une différence entre passer quelques jours de vacances chez eux et y vivre, avec travail et école à distance, pendant plusieurs semaines…

Surtout, il y a, presque non-stop, la télé. TF1 et BFM. Je me retrouve malgré moi embarquée dans le récit catastrophiste, les images chocs, les morts décomptés. Moi, l’éponge à émotions, je larmoie devant ces malades intubés et autres soignants impuissants épuisés… Au supermarché de la ville voisine où je vais faire les courses pour ravitailler la maisonnée et apporter ainsi ma participation, je fusille du regard ces autres clients qui ne jouent pas le jeu du ballet d’évitement en ne demeurant pas à plus d’un mètre ou qui tripotent directement les fruits et légumes sans prendre un sachet. Quelques temps plus tard, obligée d’aller en urgence chez un ophtalmo de Mende (finalement juste pour ôter une brindille coincée sous la paupière de notre fille), je fondrai en larme juste après le contrôle réalisé par les gendarmes de tous mes justificatifs m’autorisant à me trouver si loin de mon logement.

Du stress, sous toutes ses formes, presque en continu, pendant plusieurs semaines.

Je crois que les seuls bons moments étaient la réception des vidéos enregistrées par ma prof de Zumba, qui me permettaient un moment pour moi, dans mon activité préférée « d’avant » (mais avec la musique pas trop forte, quand même), ainsi que le visionnage des parodies hilarantes spécial confinement (la pénurie de papier toilette, notamment, aura beaucoup stimulé l’inspiration…) que me dénichait ma fille dans ses longues heures de désœuvrement.

En revanche, je ne supportais plus les infolettres qui expliquaient comment profiter de ces temps privilégiés en famille. J’étais envieuse et jalouse de tous ces gens qui se retrouvaient de fait retirés du jeu, alors que moi, si bien équipée par mon employeur, je n’avais aucune excuse pour que les projets ne soient pas prêts à repartir dès que le top serait donné. J’ignorais alors que bien d’autres confinés subissaient des maltraitances familiales bien pire que l’incompréhension réciproque avec ma belle-famille.

Je n’ai pas trainé à remballer nos affaires…

Je commençais à imaginer une obligation d’aller retrouver mon vieux père en Normandie pour finir le confinement loin de la belle-famille, quand surgit l’opportunité d’organiser une réunion de terrain préparatoire à la reprise annoncée. Munie de mon laisser-passer municipal indiquant combien ma présence était essentielle pour la bonne marche de la Ville, je n’ai pas trainé à remballer nos affaires, remercier tout le monde, et remplir mon pare-brise des insectes insouciants ayant réinvesti les autoroutes désertes.

Ensuite, il y aura le masque, des variantes de l’auto-attestation, des mesures qui commencent à être absurdes, mais pas trop…, une novlangue à laquelle je me fais très bien, à force de répétition. Déjà, il y a des contradictions qui heurtent mon esprit logique, des consignes et des discours qui ne cadrent pas avec mes connaissances scientifiques, des revirements incompréhensibles. Mais je suis une citoyenne obéissante, une gentille fille bien intégrée à notre société et ses règles, un brave mouton qui déplore l’incompétence et la nullité de ses dirigeants…

Il faudra encore quelques incohérences scientifiques et le tremblement de terre de la vaccination obligatoire déguisée pour me faire avaler la pilule rouge, mais ça, c’est une autre vie, une autre histoire…

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