Défense et illustration de l’allié objectif

Sur l’échiquier politique, cette curieuse expression nous offre une fructueuse grille d’analyse des rapports de forces en présence. Elle nous permet de prévenir un faux-pas de notre camp mais aussi d’identifier une faille de l’adversaire.

Définition

Allié objectif : voilà un concept de sciences politiques bien vicieux. Il fut une invective courante dans les années 70. Le PCF et les gauchistes (maoïstes, trotskistes, anarchistes, …) s’invectivaient réciproquement sur ce thème. Pour les uns, le PC participait aux institutions bourgeoises et pour les autres, ces groupuscules détournaient du Parti les votes utiles au profit de lubies théoriques hors-sol. Dans les deux cas, ceux d’en face faisaient obligatoirement le jeu de la contre-révolution.
Aujourd’hui, il nous semble que cette notion longtemps vilipendée mérite d’être redécouverte. En effet, elle permet d’éclaircir bien des situations complexes, que nous soyons simples particuliers, entreprises ou états constitués.

En clair, voici une personne ou un groupe qui n’est pas particulièrement de mon camp mais dont l’action m’est favorable, objectivement, selon la stricte analyse des rapports de force en présence. Il est remarquable de constater qu’entre cet allié objectif et moi, toute une gamme de relations très diverses peut s’échelonner, de la neutralité absolue à la franche opposition. Par exemple, même mon pire ennemi, s’il fait une action qui lui est défavorable et donc me favorise, devient objectivement mon allié.

Une idée mal-aimée

Que n’a-t-on pas reproché à ce concept, et bien souvent avec raison. De s’enferrer dans une vision binaire, obtuse du monde sans proposer d’alternative. Son analyse grossière, à trop grosse maille, des situations. D’être un clivage confortable, une posture tranchante, puriste, vaniteuse, jetant si facilement l’anathème à peu de frais sur toute opinion divergente, alors que l’écosystème politique est la confrontation d’une multiplicité de divergences. De ce fait, le système de l’allié objectif appauvrit le débat en une suite d’exclusions impératives. Enfin, dans le cadre de notre lutte antisystème, la paranoïa arrive bien vite et nous fait voir des ennemis partout. Enkystés de soupçon, à force de chercher qui manipule qui, nous pouvons facilement nous perdre dans un dédale de questionnements contre-productifs.

Tout cela est vrai.

Sans doute, dans le meilleur des mondes, dans le confort de quelques tours d’ivoire, thébaïdes à théories, cénacles ouatés, la rusticité manichéenne d’une telle démarche fait tache. Cependant, dans le feu de la bataille que nous connaissons, une telle exigence intellectuelle nous paraît hors de propos, hors-sol.

L’allié objectif contre le Peuple 

Dernièrement, avec l’épisode des Gilets Jaunes puis la dictature vaccinale, nous avons pu détailler la panoplie des contre-feux qu’un exécutif parfois aux abois déployait contre son peuple en colère. En effet, pour ces gens-là, le Peuple est l’homme à abattre puisqu’il demeure le possible grain de sable de l’agenda 2030 de l’hyperclasse mondiale. Les GJ défendaient le pouvoir d’achat des petites gens raboté par la cherté de la vie, cette France périphérique délaissée et méprisée par l’Exécutif et ses médias aux ordres. Les exactions des Black Blocks téléguidés par le ministère de l’Intérieur, d’autres casseurs professionnels et, il est vrai aussi, quelques brebis galeuses ont pu retourner une bonne partie de l’opinion française contre les GJ. Ces spectateurs conditionnés par une mise en scène bien rodée se mirent à critiquer un mouvement qui défendait leurs propres intérêts, contre un pouvoir dont le but est leur propre destruction contrôlée. Ils devinrent alors les alliés objectifs de leur propre tortionnaire.

Le mot n’est pas trop fort et trouva son plein emploi dans l’épisode de la dictature sanitaire initiée en 2020. Pour les mêmes raisons, désinformée de la situation sanitaire exacte et des moyens nocifs qui étaient retenus pour la combattre, la majeure partie de nos concitoyens demeurèrent sourds à toute tentative de réinformation sur le sujet, vilipendèrent les résistants antivax et ainsi devinrent les chiens de garde de leur bourreau. Combien de morts et de vies médicalement brisées cette surdité occasionna-t-elle dans ce peuple devenu troupeau ? Là encore, on peut dire que le peuple devint l’allié objectif du Pouvoir contre lui-même. Balle tirée dans le pied, terrible ironie de l’Histoire où l’Humanité n’en sort décidément pas grandie.

Une situation encore plus vicieuse encore est lorsque les citoyens désinformés, alliés objectifs de leur propre fourvoiement, ont pour prescripteur un ancien membre de la Résistance. Entre autres, Naomi Klein, l’une des initiatrices de la vulgarisation de l’ingénierie sociale auprès du grand public avec sa Théorie du choc (2006) est désormais financée par l’Institut Rockefeller et est officiellement une passionaria de la théorie du réchauffement climatique, idéologie dont le but est de justifier le vertueux appauvrissement des populations sous couvert de frugalité et leur contrôle policier (limitation des déplacements, « villes 15 minutes », etc.).

On le voit, souvent, l’allié objectif est de bonne foi et favorise par naïveté un camp qui lui est néfaste. On peut également être allié objectif par calcul. Certains communicants antivax ont pu avoir quelques faiblesses, abondant par moment avec le discours officiel, marquant contre leur propre camp. Quelle pouvait être leur motivation ? Ambition personnelle ? Louvoyer pour ne pas se faire radier des réseaux sociaux, pour conserver une certaine visibilité médiatique et continuer de passer les messages parfois favorables à la dissidence, au risque d’une communication brouillée, de la confusion de leur auditoire ?

L’allié objectif favorable au Peuple

Il arrive parfois que la mécanique se grippe et que ceux d’en face dérapent de leur propre fait.

L’allié objectif par erreur : il arrive parfois que les acteurs officiels laissent passer la vraie information contraire au discours des autorités. Ce peut être le fait d’une entité structurée, Il est arrivé que la Haute Autorité de la Santé ou l’INSEE publient des statistiques non faussées contredisant la masse des publications précédentes. Ce peut être aussi un acte isolé d’un individu comme Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la Transition écologique, chargé des Transports : au détour d’une interview, dans le feu de l’action, il avoue benoîtement que le Pass Sanitaire n’est qu’une incitation à la vaccination. Donc une manipulation d’ingénierie sociale et que de ce fait, cette mesure n’a pas l’efficacité prophylactique qui la justifierait. 

L’allié objectif par bêtise : vaste domaine, ne sous-estimons pas le rôle de la bêtise dans l’Histoire. À cela s’ajoute aujourd’hui la baisse de niveau anthropologique que nous expérimentons ; cet écroulement cognitif touche aussi l’oligarchie (nous ne parlerons pas d’élite !) Et cette bêtise, affligeante quand elle nous touche, devient réjouissante quand elle fourvoie nos maîtres dans des erreurs qui mécontentent l’opinion. Par exemple, quand le pouvoir, trop confiant dans son « homocratie » triomphante, insiste lourdement sur ce prosélytisme lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris de 2024 et en retour de flamme, connaît une condamnation mondiale qui peut alerter du danger une partie des citoyens qui ne le détectaient pas.

Une complexité inédite ?

Rétrospectivement, au cours de la guerre froide, la chasse à l’allié objectif nous apparaît d’une simplicité caricaturale. Aujourd’hui, les règles du jeu sont autrement plus complexes et, particularité de l’époque, selon les sujets abordés, un individu ou un pays peut être étiqueté allié ou adversaire. Le concept d’allié objectif a donc un grand avenir devant lui.

En géostratégie, prenons le cas emblématique de la Pologne. Viscéralement anti–russe, base avancée zélée de l’OTAN, rêvant de reconquérir la partie nord de l’Ukraine, elle se trouve subitement allié objectif de la Russie lorsque, forte de son socle catholique, elle s’oppose à l’entrisme des structures occidentales LGBTQ+ et de facto, sur ce dossier, rompt l’unité de l’Ouest collectif. Ainsi, sur certains points, paradoxalement, elle devient en toute logique allié objectif du bloc conservateur eurasien.

Quelles leçons en tirer ?

Dénoncer l’allié objectif permet idéalement d’écarter un danger interne à une organisation, de faire le décompte exact de ses propres troupes et de celles qui sont moins fiables, au risque de l’injustice si l’on se trompe, d’une dérive paranoïaque inhérente à toute situation conflictuelle pour aboutir, au final, à l’affaiblissement du groupe. C’est le propre de toute immersion en eaux troubles, paysage si typique de notre époque. On le voit, l’allié objectif est une délicate mécanique. Billard à deux bandes, course tordue du cavalier aux échecs, son usage est peu facile et semble surtout relever de la naïveté et de la maladresse. La brève nomenclature ici décrite nous inciterait à penser que les alliés objectifs contre le Peuple semblent beaucoup plus puissants que les alliés objectifs qui lui sont favorables. Il est vrai que l’adversaire institutionnel et l’hyperclasse mondiale qui le dirige baignent dans un écosystème de réflexions stratégiques qui leur donnerait un avantage écrasant sur le commun des mortels, éveillés ou englués dans leur conditionnement.

Cependant, la notion d’allié objectif est suffisamment machiavélique pour que rien ne soit joué, que les ennemis du Peuple trébuchent dessus et que le roi apparaisse dans sa plus misérable nudité. Elle est une raison de plus de rester optimiste lorsqu’on identifie une faille de l’adversaire qui se croit fort. Elle nous permet d’affiner notre analyse quand nous tentons d’évaluer les forces en présence dans cette guerre éternelle que nous menons. Rien n’est joué, à nous de rester vigilants et opportunistes. Comme en aïkido, retournons la force de l’adversaire contre lui-même. 

À titre d’illustration, rappelons que pour désamorcer la crise des Gilets Jaunes, l’Exécutif a lancé un Grand Débat National, une grande consultation publique pour permettre aux citoyens d’exprimer leurs préoccupations et leurs propositions. Des milliers de réunions locales ont eu lieu à travers la France, et des millions de contributions ont été recueillies en ligne. Hors de la sphère politique traditionnelle, cela a permis à des citoyens ordinaires d’exprimer leur mal-être. Certes, l’intention initiale du gouvernement était de désamorcer une crise politique et sociale majeure en ouvrant une soupape de sûreté. Mais finalement, cette initiative souligna la désillusion de beaucoup quant aux solutions mises en place par la suite. De plus, elle renforça la recherche d’alternatives à la pensée unique ambiante et surtout, elle favorisa le terreau intellectuel et les solidarités sur le terrain qui se révélèrent fondamentales pour une partie d’entre nous lorsqu’il a fallu se rebeller contre la dictature sanitaire. On le voit, le maniement de l’allié objectif ne cesse de nous surprendre, même en bien.

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