Insaisissables abstentionnistes

Il y a quelques semaines, Patrick a eu une idée : donner la parole aux abstentionnistes, les réunir autour d’une bannière qui porterait leur nom, le nom du plus grand parti de France. Le 9 juin 2024, le président Macron a annoncé la dissolution de l’assemblée nationale et la tenue d’élections législatives les 30 juin et 7 juillet. L’occasion était donnée de tester le concept.
Retour sur une campagne accélérée et sur le remue-méninge associé !

Qui sont les abstentionnistes, quelles sont les raisons de leur abstention ? Ont-ils un profil-type ? Autant de questions qui nous ont agités. Ancienne abstentionniste, j’essaie de me souvenir ce qui me motivait ou plutôt, ce qui ne me motivait pas. Je crois qu’à l’époque, je n’y comprenais rien et que je préférais laisser à d’autres le soin de décider, jusqu’à ce que nous soyons privés de libertés et qu’on nous oblige à nous injecter, jusqu’à ce que je cherche à comprendre comment nous en étions arrivés là. Au-delà de ma petite personne, quel est le profil type de l’abstentionniste et pour qui voterait-il s’il ne s’abstenait pas (notez au passage la contradiction qui témoigne de la difficulté de notre démarche) ? Existe-t-il des abstentionnistes de droite, de gauche ? Des abstentionnistes écolos ? Et surtout, question essentielle, comment les réunir ?

Quant aux abstentionnistes convaincus, fiers de l’être, ne désirant plus participer à cette mascarade qui alimente le système (sont-ils nombreux ?), je ne les blâmerais pas, tant la tentation est forte certains jours de les rejoindre. Mais il est certain que notre proposition ne les intéressera pas le moins du monde !

Les députés obéissent en général aux consignes de leur parti pour voter les lois. Patrick propose un autre mode de gouvernance, le Référendum d’Initiative Citoyenne (RIC). Il propose à ceux qui ne votent pas de les représenter et s’engage à les consulter afin de se rapprocher le plus possible d’une démocratie directe, soulignant qu’ainsi, il devient impossible de corrompre les députés.

Restait à mettre cela en forme.

Pour une opposition libre et sans conflits d’intérêts

Le lendemain de l’annonce présidentielle, nous tentions de nous organiser. La première décision à prendre a été l’affiche de campagne. Nous avions une semaine pour la concevoir, pour que l’imprimeur puisse nous la livrer le vendredi 21 juin au plus tard. Au vu du délai et des moyens disponibles, l’affiche serait notre seul outil de communication, d’où son importance. Les questions sont venues rapidement. Notre candidat étant inconnu, l’affiche se devait d’être remarquée et se démarquer. Pas trop de texte, sinon c’est un tract de campagne. Et pourtant, nous avions tellement de choses à exprimer ! J’ai proposé d’écrire en dessous du titre (Les Abstentionnistes donc) une accroche qui relayerait l’idée : « Abstenez-vous de voter pour un état guerrier et destructeur » mais cela risquait de ne pas passer à la commission de propagande et nous n’avions pas le temps de faire des allers-retours. Zut.

Dès le départ, la question de la couleur s’est posée. Violet ? C’est pas mal violet. Déjà pris par le parti animaliste. Je repense non sans humour à la petite bouille du caneton qui avait remporté 1,6 % des voix dans notre circonscription en 2022 et le regard attendrissant du chaton des Européennes qui a récemment scoré à 2%. Le visuel compte, évidemment ! Si on veut intéresser au moins autant que le caneton, il faut trouver un visuel qui accroche, qui interpelle et qui relaie des valeurs. Doit-on opter pour un visuel complètement décalé ? C’est une question délicate à laquelle nous n’avons pas su répondre de façon unanime et dans le délai imparti. Les élections sont une affaire sérieuse parait-il …

Couleur, texte, visuel, à trois sur le projet, avec trois sensibilités différentes sur trois importants items, nous aurions pu arriver, si on en croit les calculs des combinaisons possibles, à 27 propositions différentes. Autant dire que le temps manquait cruellement ! La décision a finalement été prise de partir sur un visuel et un texte traditionnels, tout en gardant bien entendu le titre de départ « Les abstentionnistes », pilier de la démarche. Moi qui rêvait de coller sur 70 panneaux des affiches qui dénonceraient les injustices dont nous avions été victimes ces dernières années, sans compter les victimes des effets indésirables des injections expérimentales, cause chère à mon cœur, je vous mentirais si je vous disais que je n’ai pas été un peu déçue … Néanmoins la petite phrase « Pour une opposition libre et sans conflits d’intérêts » était intéressante et je m’y suis accrochée avec espoir que cela puisse réveiller le peuple endormi ou tout au moins le questionner.

La bureaucratie en action !

Puis je me suis investie dans mon rôle de mandataire financier. Savez-vous que le guide du candidat et du mandataire compte 113 pages ? Comme j’aime faire les choses à fond, je les ai lues … Enfin presque, j’ai adopté la lecture en diagonale qui m’a souvent secourue dans notre monde devenu si complexe.

Nous avons eu la chance de trouver rapidement une banque, ce fut une chance car je n’ose pas imaginer que cette difficulté ait pu se rajouter à tout le reste. La banquière nous a expliqué que nous recevrions par la poste les codes d’accès en ligne dans un délai de dix jours. Mais les élections seront finies dans dix jours ! Puis nous avons eu la difficulté du délai des virements bancaires. Fébrile, j’appelai tous les jours la banque pour consulter le compte. Parfois on me répondait qu’il fallait que je le consulte en ligne avec mes codes d’accès ( !) et on me demandait de me rendre sur place pour signer un ordre de virement pour l’imprimeur alors que j’étais sensée travailler pour mon employeur.

Patrick, de son côté, a découvert que les dimensions du bulletin devaient être respectées au millimètre près au risque d’être invalides et autres subtilités. Et la commission lui a refusé une première fois son bulletin car la couleur était légèrement différente sur un endroit. Misère de misère, ils vont nous rendre fous ! Comment avons-nous réussi à avoir affiches et bulletins à temps, je ne saurais le dire, tant les obstacles se sont multipliés sur la route de notre détermination à faire campagne.

A l’extrême limite de l’extrémisme

Entre jeudi 27 et vendredi 28 juin, Patrick et Véronique ont sillonné la campagne des Yvelines pour déposer les bulletins dans chaque mairie. Financièrement, nous ne pouvions nous engager sur autant de bulletins que d’électeurs, nous sommes donc partis sur 20 000 bulletins.

A partir de vendredi 28 juin à minuit, il n’était plus permis de coller des affiches électorales sur les panneaux d’affichages libres. L’enjeu étant d’avoir quelques affiches qui seraient visibles le week-end des élections, les militants du nouveau front populaire s’étaient organisés pour être présents en nombre auprès des panneaux stratégiques qu’ils avaient recouvert de leurs affiches et prenaient des photos à minuit pile. Ils ont ainsi bloqué l’accès à Patrick, l’empêchant de coller son affiche, le traitant de facho, prouvant ainsi qu’ils étaient bien pires que ce qu’ils dénonçaient. Cette même équipe qui a fait parler d’elle sur les réseaux, invectivant ceux qui refusaient de prendre leurs tracts, en leur annonçant qu’ils allaient voter pour des nazis ou pire, brûler en enfer…

Le jour du scrutin, dans l’après-midi, certains bureaux de votes ont commencé à manquer de bulletins et Patrick a réapprovisionné comme il pouvait. Si être le premier candidat présent sur les panneaux d’affichage électoraux donnait une petite longueur d’avance, être la première pile de bulletins sur la table des bureaux de votes n’était pas un avantage …

Une belle aventure et après ?

Le résultat est tombé, 400 électeurs ont voté pour Patrick, soit 0,79%. Dans certaines communes, il est arrivé en quatrième position. Compte-tenu des difficultés rencontrées, c’est un score honorable !

Mais le taux des abstentionnistes a baissé de 20 % dans notre circonscription, preuve qu’ils ont préféré voter pour les trois principaux partis. Comme dirait un ami, il s’agit d’un coup d’état visant à partager le gâteau en trois. Bien entendu, les petits partis ou les outsiders n’avaient pas leur place dans cette course contre la montre. Mais l’essentiel est de participer n’est-ce pas ? Et d’avoir l’impression de pouvoir maîtriser quelque chose ou de façon plus pragmatique, pouvoir voter sereinement au premier tour.

Un grand merci à Arnaud et Fabien qui ont participé au collage et au tractage et nous ont soutenus ainsi qu’à nos amis du Banc du chêne pour leurs encouragements et leur participation. Nous avons également reçu plusieurs mails d’inconnus qui nous ont encouragés et cela était fort sympathique. Nous avons vécu une belle aventure, riche en émotions, il nous reste maintenant à imaginer la suite …

Le site internet lesabstentionnistes.fr, créé par Patrick pour l’occasion, reprend nos idées et nos valeurs, celles que nous n’avons pu exprimer par l’intermédiaire de l’affiche de campagne.

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