Une trentaine de véhicules, voitures et camping-cars, ont alors entamé une ronde autour de l’Arc-de-Triomphe, acclamés par quelques centaines de soutiens massés sur les trottoirs.
Rapidement les forces de l’ordre ont divisé ces groupes de piétons et les ont éloignés de la place de l’Etoile.
Un jeu de chat et de la souris s’est poursuivi durant quelques heures aussi bien pour les véhicules du convoi, délogés et repoussés aux portes de Paris, que pour les soutiens piétons, qui sont régulièrement revenus sur les Champs par les rues adjacentes.
La doctrine du maintien de l’ordre était pour le moins curieuse, empêchant cette manifestation spontanée et bon enfant tout en bloquant les Champs Elysées durant de longues heures. D’une certaine façon et même si seulement une poignée de véhicules du convoi a pénétré sur l’avenue, l’objectif fût atteint : bloquer celle-ci et assurer de la visibilité au Convoi.
Les forces de l’ordre se sont distinguées dès le début d’après-midi par la mise en place d’une stratégie de la tension
Les forces de l’ordre se sont distinguées dès le début d’après-midi par la mise en place d’une stratégie de la tension : déplacements martiaux en meute, ballets incessants de véhicules, tutoiement systématique, mini-charges sans nécessité, envoi de gaz lacrymogène à tour de bras y compris sur les trottoirs et terrasses fréquentés par les touristes et parisiens jusque-là indifférents ou amusés, défilé motorisé de la BRAV-M, etc.
Vers 17h30 et sans raison apparente alors que les véhicules épars du Convoi de la Liberté et leurs centaines de soutiens étaient toujours présents les forces de l’ordre ont rouvert l’avenue à la circulation. Ce fût alors le grand n’importe quoi, charges et gazages se déroulant dorénavant au milieu de la circulation !
Jusqu’en fin de soirée ce jeu a perduré avec une montée de la tension savamment entretenue par les forces de l’ordre.
Il est aberrant de ne pas avoir laissé cette manifestation spontanée se dérouler dans le calme. Les Champs-Elysées et l’Etoile ont été bloqués tout l’après-midi, certes plus par les policiers et gendarmes que par le Convoi, mais le résultat est le même et c’est donc en soi déjà une victoire.
Par ailleurs, et malgré la réouverture insensée à la circulation en fin d’après-midi, la manifestation a continué jusqu’en soirée, toujours dans une bonne ambiance et il est évident que les forces de l’ordre ont délibérément choisi la stratégie de tension face à quelques centaines de manifestants pacifistes.
Nous avons vu de nos yeux des coups (gants plombés, matraques) s’abattre sans raison sur des manifestants pacifiques, des grenades lacrymogènes envoyées sur les trottoirs bondés comme au milieu de la circulation.
A chacune de leurs charges les policiers ciblent deux ou trois manifestants qui courent devant eux (souvent par réflexe lorsque l’on voit avancer vers soi en courant une meute suréquipée et dont le QI cumulé dépasse rarement le 110…) et usent alors d’arguments peu pédagogiques mais contondants et assez définitifs.
Les réseaux sociaux et quelques TV ont montré entre autres matraquages gratuits, bris de vitre de véhicules, distributions d’amendes à tour de bras, ce jeune homme à la cheville brisée, cette jeune femme molestée, cet automobiliste mis en joue par arme à feu ! Nous avons vu de nos yeux des coups (gants plombés, matraques) s’abattre sans raison sur des manifestants pacifiques, des grenades lacrymogènes envoyées sur les trottoirs bondés comme au milieu de la circulation.
La « doctrine du maintien de l’ordre » est-elle encore enseignée dans les écoles de police ou les forces de l’ordre sont-elles désormais en roue libre, ayant pour seule doctrine la répression aveugle de mouvements pacifiques ?
Cet après-midi aux Champs-Elysées fût instructif a bien des égards.
Le Convoi est une réussite superbe avec des milliers de véhicules en mouvement depuis toute la France, un élan de solidarité sans précédent à chaque étape y compris à Paris et dans toute la région. Nourriture, hébergement, argent mais surtout chaleur humaine et idéal partagé : les Français ont montré toute leur générosité et la grandeur de leur âme résistante.
Il y avait en revanche un côté surréaliste (auquel je ne parviens toujours pas à me faire) dans cette juxtaposition de ces résistants et de ces parisiens insouciants passant de magasin en magasin ou s’attardant en terrasse…. Certes le nombre ne fait rien à l’affaire et la véritable résistance est toujours minoritaire mais il y a clairement deux sociétés qui co-existent sur un même espace et cela est infiniment douloureux.
Enfin il a été extrêmement instructif de constater la stratégie de tension mise en œuvre par les forces de l’ordre qui aurait pu aisément canaliser sans violence les quelques centaines de manifestants pacifistes ou mieux encore : les laisser manifester dans la joie et la bonne humeur.
Philippe Mège