Alors, c’est enfin l’heure ?
Avez-vous déjà entendu parler du couloir de l’Amour ?
Il paraît que certains y passent des années à l’attendre mais tous finissent par le rencontrer.
Je veux dire de rencontrer l’amour… avec ou sans ticket.
Eh bien moi, justement, je le cherche l’Amour. Depuis longtemps.
Et j’ai fait un rêve où je me décidais à y aller voir.
J’étais piloté dans une sorte de dédale obscur jusqu’à me retrouver dans une longue galerie éclairée au néon et bordée de portes blindées.
Circonspect je cherchais de l’aide et avisais une porte portant le numéro 109. « Sang neuf je me dis, bon, je frappe. »
Aussitôt s’ouvre une sorte de guichet lourdement grillagé et j’aperçois le visage émacié d’un grand barbu taciturne, une sorte d’Abbé Faria qui me lance : « Alors, c’est enfin l’heure ? » « Bah, je sais pas, je crois pas, que je lui dis. Mais c’est bien ici le couloir de l’Amour ? »
Il se met à rigoler doucement et il répond : « Ah non, vous faîtes erreur, ici c’est le couloir de la mort. Mais vous auriez peut-être une petite cigarette pour moi ? Depuis le temps que j’attends la dernière… »
Alors je lui tends une gauloise, il l’allume, en tire une bouiffe gourmande et il me dit : « Merci mais écoutez, vous m’êtes sympathique et je crois que je peux vous aider, voici une adresse pour vous. » Sur ce fait, il me tend un ticket avec un QR code et sans attendre un merci, il referme son guichet avec un air désabusé.
Me voilà donc avec mon ticket pour l’amour. Je cherche à en déchiffrer le QR code…puis je pousse un soupir de lassitude et je me trouve immédiatement transporté dans un autre pays. C’est un espace ouvert, grand soleil, odeur saline, une grande rue étroite bordée de hauts immeubles dont la moitié sont en ruines. Des ambulances la parcourent sirènes hurlantes, un avion semble voler à toute allure vers un objectif proche….
J’aperçois un type avec un casque bleu et un brassard de presse. Je me dis qu’un journaliste ça doit pouvoir me renseigner et je vais le voir.
« Pardon monsieur, c’est bien ici le couloir de l’Amour ? » et je lui tends mon ticket. « Ah non ! qu’il me dit, vous faîtes erreur monsieur, Ici c’est le corridor humanitaire. Mais ne restez pas là, c’est dangereux. » Et c’est alors qu’une espèce de Meccano volatile téléguidé s’approche de nous, le foudroie d’un éclair et le gars est désintégré. Moi, j’ai d’abord la sensation de m’écrouler sur le sol puis je me mets à flotter au-dessus de mon propre corps.
Réduit à l’état d’ectoplasme, j’ai la sensation de voler au-dessus d’un champ de bataille…
Je sais pas vous mais j’ai jamais aimé la bagarre alors, je cherche une issue.
Il se fait alors une sorte de nuit obscure et une espèce de tunnel aérien, une douce tornade si vous voulez, s‘ouvre devant moi qui monte jusqu’à une lumière blanche vaguement bleutée.
Je l’empreinte et arrivé en haut, je découvre une oasis : un étang bleu, des palmiers, des jolies filles, un petit paradis quoi. Mais avant de pouvoir y entrer, je suis accueilli par un ange très aimable qui me dit avec un sourire un peu surpris: « Bonjour Jean-Claude, mais qu’est-ce que vous faîtes là ? Ce n’est pas l’heure, ni le jour, ni rien… et puis pour l’amour, il faut prendre le couloir dans l’autre sens. Ça se passe sur terre. » Il prend le ticket que je lui tends, il le déchire négligemment et il me renvoie d’où je viens.
Et c’est alors que je me suis réveillé.
Et me voilà bien avancé. Mais j’ai un bon tuyau pour vous : le couloir de l’amour existe bien et il n’y a pas besoin de QR code…
