Pour comprendre l’origine et les causes de la guerre en Ukraine

Depuis le début de la guerre entre l’Ukraine et la Russie, la Russie a été présenté comme l’agresseur, l’envahisseur, comme un pays en soif de pouvoir et d’élargissement. Dans cet extrait d’une vidéo YouTube datant du 22 octobre 2024, sur la chaine de Cambridge Union, le professeur Jeffrey D. Sachs, économiste et analyste politique Américain, fait émerger une tout autre version de l’histoire et apporte un éclairage bien plus nuancé sur ce conflit. Jeffrey est, depuis de nombreuses années, conseiller auprès des gouvernements du monde entier et a été nommé deux fois parmi les 100 leaders mondiaux les plus influents du magazine Time et a été classé, par The Economist, parmi les trois économistes vivants les plus influents. Nous avons l’occasion de l’écouter ici.

Extrait de la vidéo

Traduction du discours de Jeffrey D. Sachs – Cambridge Union video – Octobre 2024

Ceci n’est pas une attaque de Poutine contre l’Ukraine, comme on nous le dit tous les jours. Cela a commencé en 1990, le 9 février 1990, lorsque James Baker, troisième du nom, notre secrétaire d’État, a dit à Mikhaïl Gorbatchev : « L’OTAN ne bougera pas d’un pouce vers l’est si vous acceptez l’unification allemande », mettant ainsi fin à la Seconde Guerre mondiale. Et Gorbatchev a dit : « C’est très important ! Oui, l’OTAN ne bouge pas et nous sommes d’accord pour l’unification allemande. »

Les États-Unis ont ensuite triché sur ce point dès 1994, lorsque Clinton a signé un plan visant à étendre l’OTAN jusqu’en Ukraine. C’est à ce moment que les soi-disant « néocons » (néo-conservateurs) ont pris le pouvoir et Clinton en a été le premier agent. Et l’expansion de l’OTAN a commencé en 1999 avec la Pologne, la Hongrie et la République tchèque. À ce moment-là, la Russie ne s’en souciait pas beaucoup. Il n’y avait pas d’autre frontière que celle avec Kaliningrad, mais à part cela il n’y avait pas de menace directe.

Puis, les États-Unis ont mené le bombardement de la Serbie en 1999 – cet événement fut très inquiétant, parce qu’ils se sont servis de l’OTAN pour bombarder une capitale européenne, Belgrade, 78 jours consécutifs pour diviser le pays. Les Russes n’ont pas beaucoup aimé cela, mais ensuite Poutine est devenu président, et ils l’ont accepté en se plaignant. Il faut savoir que Poutine a commencé pro-européen, pro-américain. En fait, il a posé la question : « Peut-être devrions-nous rejoindre l’OTAN ? ». À l’époque il y avait encore l’idée d’une sorte de relation mutuellement respectueuse.

Puis le 11 septembre est arrivé, puis l’Afghanistan et les Russes ont dit : « Oui, nous allons vous soutenir, nous comprenons la nécessité d’éradiquer le terrorisme. » Mais ensuite sont venues deux autres actions décisives en 2002, les États-Unis ont unilatéralement abandonné le traité sur les missiles antibalistiques. Il s’agit probablement de l’événement le plus décisif, jamais discuté dans ce contexte, mais cela a déclenché la mise en place par les États-Unis de systèmes de missiles en Europe de l’Est, que la Russie considère comme une menace directe et grave.

En 2004-2005, nous avons entrepris une opération de changement de régime qui ne disait pas son nom en Ukraine. Mais en 2009, Ianoukovitch a remporté l’élection et il est devenu président en 2010 sur la base de la neutralité pour l’Ukraine. Cela a calmé les choses parce que même si les USA poussaient l’idée de l’OTAN, le peuple ukrainien dans les sondages d’opinion ne voulait même pas être dans l’OTAN. Il savait que le pays restait divisé entre les Ukrainiens et les Russes, donc que voulons-nous réellement ? Nous voulons rester à l’écart de vos problèmes ». Ainsi, le 22 février 2014, les États-Unis ont participé activement au renversement de Ianoukovitch. Il s’agissait d’une opération de changement de régime « classique » souvent pratiquée par les États-Unis, n’en doutez surtout pas. Et les Russes nous ont fait une faveur. Ils ont intercepté un appel vraiment « moche » entre Victoria Nuland, ma collègue à l’université de Colombie maintenant, entre elle et l’ambassadeur des États-Unis en Ukraine, Geoffrey Pyatt, qui est un haut fonctionnaire du département d’État jusqu’à aujourd’hui. Et ils ont parlé de changement de régime. Ils ont dit : « qui sera dans le prochain gouvernement ! »

Tout cela pour dire que les États-Unis continuaient d’affirmer  : « Maintenant l’OTAN va vraiment s’agrandir ! » et Poutine n’arrêtait pas de dire : « Vous avez promis de ne pas élargir l’OTAN… Au fait, j’ai oublié de mentionner en 2004, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Bulgarie, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie ; sept autres pays dans le soi-disant « pas un pouce vers l’est » (NDLR: sont devenus membres de l’OTAN). Et puis, oui, c’est une longue histoire, mais les États-Unis ont continué à rejeter l’idée de base de ne pas étendre l’OTAN à la frontière russe, dans un contexte où nous mettions en place des systèmes de missiles après avoir rompu un traité ! En 2019, nous avons quitté le Traité sur les forces nucléaires intermédiaires.

Le 15 décembre 2021, Poutine a mis sur la table « un projet d’accord de sécurité entre la Russie et les États-Unis ». Vous pouvez le trouver en ligne. Le fondement même de ce projet était de NE PLUS élargir l’OTAN. J’ai appelé la Maison Blanche la semaine suivante, en les suppliant « d’accepter les négociations ! Poutine a offert quelque chose, évitez cette guerre ! » « Oh, Jeff, il n’y aura pas de guerre. Et (NDLR : nom inaudible) a annoncé que l’OTAN ne va pas s’agrandir. Oh, ne vous inquiétez pas, l’OTAN ne va pas s’élargir ». Et je dis : « Oh, vous allez faire la guerre pour quelque chose qui n’arrivera pas ?!? Pourquoi ne l’annoncez-vous pas ? » Et il a dit : « Non, non, notre politique est une politique d’ouverture » – il s’agit ici de Jake Sullivan – « notre politique est une politique de porte ouverte, une porte ouverte pour l’élargissement de l’OTAN. »

Ça, c’est une déclaration qui tombe dans la catégorie de pure connerie, au fait !

Vous n’avez pas le droit de placer vos bases militaires où bon vous semble et ensuite vous attendre à avoir la paix dans ce monde. Ils ont refusé les négociations. Puis l’opération militaire spéciale a commencé, et cinq jours plus tard, Zelensky dit : « OK, OK, neutralité ! » Et les États-Unis et la Grande-Bretagne ont dit : « Pas question ! Vous continuez à vous battre ! Vous avez notre soutien, vous serez seuls sur le front et vous allez tous mourir, mais nous vous soutenons » tout en les poussant vers la ligne de front. Depuis que Boris Johnson s’est rendu à Kiev pour leur dire d’être courageux, 600 000 Ukrainiens sont morts dans la guerre.

La vidéo dans son intégralité

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