La déchéance de l’offre de soins
La France ne prend pas soin de ses aînés. Cela commence par la fracture numérique et la complexité de la moindre démarche administrative (qui transforme les moindres repas familiaux en aide administrative) et s’achève par le refus de soigner, en passant par les coupes budgétaires des sommes allouées au secteur de la personne âgée. Dans un monde qui tourne toujours plus vite, la lenteur des personnes âgées n’a plus sa place. Ils se retrouvent au bord de la route, spectateurs d’un monde qu’ils ont tant servi et qui les rejette.
Dans l’Orne, département où vivent mes parents, l’accès aux soins est très limité. Leur médecin traitant propose un mois et demi de délai pour un rendez-vous. Les rendez-vous d’urgence sont compliqués à obtenir et il est visible qu’elle est au bord du craquage. Un rendez-vous chez le dentiste est impossible à obtenir quand on est nouveau patient. Le numerus clausus de la profession a été abaissé il y a quelques années et la France a recours à des médecins étrangers qu’ils aident à s’installer. Le département ne fait pas exception, en effet, pour se soigner, la population française compte chaque année un peu plus sur ses voisins européens ! Ainsi, dans l’Orne, une communauté de dentistes espagnols s’est installée. J’imagine que notre beau pays a dû leur proposer des conditions d’installation très intéressantes pour compenser leur expatriation. Parfois, avec l’accent et le barrage de la langue, le dialogue n’est pas toujours fluide. Les patients les plus jeunes poussent jusqu’à la région parisienne pour se soigner les dents mais les plus âgés ne peuvent subir autant de temps de transport.
J’ai vécu personnellement une expérience douloureuse auprès d’un service des urgences d’un hôpital ornais. Plus aucun médecin ne se déplace auprès des patients âgés et immobilisés. Accompagnée de ma mère et d’une ambulance, nous avons donc amené mon père âgé de 85 ans au service des urgences. Les urgences sont engorgées parait-il, à cause de l’épidémie de grippe, particulièrement virulente, et elles ont dû déclencher Le Plan Blanc. Lors de ma journée aux urgences, je n’ai repéré aucune personne grippée. L’Orne a sans doute été épargnée. Pendant ce temps, les médias nous font porter le chapeau, nous ne sommes pas assez vaccinés parait-il… Le médecin urgentiste qui nous a accueillis, nous a signifié en haussant le ton, et avant même d’avoir examiné mon père, qu’il n’y avait pas de place en médecine pour lui. Son objectif était clair : le renvoyer à la maison, coûte que coûte. En l’occurrence avec une fracture du dos et une infection non localisée qui se manifestera au milieu de la nuit. Quelques jours plus tard, dans l’incapacité de nous transformer en équipe d’aides-soignantes, nous serons obligées de le faire entrer dans un EPHAD à 3200 € par mois (aides départementales déduites). Mon pauvre papa reviendra dans le même service une semaine plus tard, un pied sur l’autre rive et une infection généralisée. Il aura le droit à sa place en médecine cette fois et nous attendrons quatre jours avant de pouvoir parler à un médecin.
Vivre ou mourir
L’article de Vie Publique donne un aperçu du projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie. Dans son paragraphe intitulé Soins d’accompagnement et directives anticipées, il est expliqué qu’« Une nouvelle catégorie d’établissement médico-social, dénommée maison d’accompagnement, est créée. Il s’agira de structures intermédiaires entre le domicile et l’hôpital qui accueilleront et accompagneront les personnes en fin de vie et leur entourage. Celles-ci pourront y être admises lorsque le retour à domicile, à la suite d’une hospitalisation, n’est pas possible, ou encore lorsque la prise en charge à domicile ou en établissement médico-social ne s’avère pas adaptée, afin d’éviter une hospitalisation. Ces maisons seront financées par l’Assurance maladie et par un forfait journalier à la charge des personnes accueillies. » Cela est clairement explicité, il s’agit bien d’éviter une hospitalisation, rendue de fait impossible par manque de lits et de moyens alloués aux structures hospitalières.
Le paragraphe suivant intitulé L’aide à mourir évoque le second volet du projet de loi. Suite à la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin 2024, la discussion sur le projet de loi a été interrompue et doit reprendre prochainement. S’agira-t-il de légaliser le scandale du Rivotril ? Je vous laisse en tirer les conclusions qui s’imposent et que l’émotion m’empêche d’écrire…
Pour aller plus loin :